Ce texte est une version légérement plus longue de l'éditorial que j'ai préparé pour  le journal de "NaTech Education" (NaTechInfo Nr 16, juin 2014).

NaTech  a pour but d'intégrer mieux la science et la technique dans la formation générale en sensibilisant le monde politique à ces questions.

 

Nous, les acteurs de la recherche, de la formation et de l'innovation, nous préoccupons avec diligence de la possible faiblesse en Suisse de l'éducation  dans les domaines des sciences naturelles, des sciences de l'ingénieur, des mathématiques et de l'informatique (MINT). Ces domaines sont de première importance pour la vie de notre société. Un manque de relève inquiète alors  l'économie,  les pouvoirs publics et les écoles à tous les niveaux. Tous se penchent sur l'analyse du problème et sur les méthodes et outils à mettre en oeuvre pour qu'une plus grande proportion de nos jeunes se lancent dans des études puis dans des carrières liées à ces domaines.

La nécessité d'avoir une population professionnelle active dans les domaines MINT oriente nos efforts vers une approche utilitaire de ces professions et vers une formation et une motivation qui  soulignent les possibilités d'emploi et la valeur pour la société du travail fourni par les techniciens, informaticiens, ingénieurs et scientifiques. Ce faisant, la valeur culturelle des sciences dites dures passe parfois au second plan. Ce dernier aspect est cependant primordial. Toute notre civilisation est construite sur que nous avons appris de la nature au fil des millénaires. Notre philosophie et notre approche du monde sont profondément marquées par ce que nous savons de la terre, de l'univers ou encore de la biologie et de l'essence humaine, en un mot de notre connaissance scientifique.

L'étude des sciences quelles qu'elles soient est en tout premier lieu un plaisir, le plaisir de la découverte du monde dans quelques uns de ces aspects les plus merveilleux. C'est la fascination de l'exploration  d'une partie de la réalité, que ce soit la structure de la matière, l'évolution de l'univers, les constructions moléculaires ou les processus de la vie.  L'étude des sciences peut  être aussi la satisfaction  de la fabrication d'artefacts  qu'ils soient matériels ou informatiques. Quelles que soient les études,  on arrive à leur terme aux confins de ce qui est connu, commence alors la découverte  de l'inconnu ou la jonction avec le monde économique ou industriel.

L'étude et la pratique des sciences est encore le plaisir de la compréhension, ce moment privilégié que les alémaniques appellent "Ah ha Erlebnis", instant fugace pendant lequel les éléments d'un problème trouvent leur place. L'étudiante, le chercheur ou l'ingénieure comprend alors comment les pièces apparemment déconnectées d'un puzzle se combinent pour révéler un peu de l'harmonie de la nature.

Ces plaisirs ne se livrent pas sans se défendre. Approcher les sciences dites dures demande une certaine ascèse et une réelle  discipline intellectuelle. Ces exigences sont peut-être aux antipodes du monde de consommation dont la publicité nous renvoie constamment l'image. Comme dans d'autres aspects de la vie, une certaine difficulté d'approche fait cependant indéniablement partie du plaisir.

La curiosité, le désir de connaître et de comprendre, la satisfaction d'une construction matérielle, chimique  ou informatique, le plaisir de la découverte et le souhait de participer à l'essor culturel de notre civilisation sont les raisons qui poussent jeunes et moins jeunes vers les sciences.  Je ne crois pas avoir de collègues qui aient mené à terme des études scientifiques sans que plus ou moins explicitement le carburant de leur moteur interne ait été de cette sorte. Les aspects  plus utilitaristes de leur motivation ne viennent souvent que beaucoup plus tard, voire pas du tout.

Associons donc plus souvent "culture et plaisir"  à "sciences" ou "mathématique" dans notre discours. Nous serons plus proches de la perception que les scientifiques ont de leur métier. Nous serons aussi plus encourageants auprès des jeunes en phase de choix de vie et de carrière.