Réflexion toute personnelle. Décembre 2014

 

Il y a des siècles, pour certain même des millénaires, que nos Dieux se préoccupent de notre sort. Ils nous dictent ce que nous devons croire, nous réconfortent ou nous effraient. Ils nous indiquent comment nous comporter, nous habiller, que mettre ou ne pas mettre sur nos chevelures  et en quels lieux.  Ils nous donnent des instructions sur ce que nous devons ou pouvons manger, à quel moment de la journée, de la semaine ou de l'année. Ils nous ordonnent le repos ou le travail, définissant ce que sont repos et travail au gré des développements technologiques.  Ils nous disent qui aimer, qui détester, parfois qui massacrer. Ils nous indiquent avec qui faire l’amour et pourquoi, que mettre ou ne pas mettre sur nos pénis et quelles pilules prendre ou ne pas prendre. Ils exigent parfois des marques de reconnaissance ou des mutilations sur les organes sexuels de leurs adeptes.

Les Dieux décident de l’ordre social, de la place des femmes dans nos sociétés. Ils donnent à certains le pouvoir de décider du sort de leurs contemporains, à d’autres ils ordonnent une obéissance absolue et sans questionnement. De la plupart ils exigent de suivre des ensembles de règles plus ou moins bien adaptées aux époques et lieux dans lesquels leurs cultes sont pratiqués.


Ils enjoignent le plus souvent leurs  fidèles de convaincre tout un chacun sur cette terre qu’ils sont le Seul “vrai” Dieu, que leur parole domine celle des autres Dieux et des humains. Ils imposent leur vision de la civilisation et des rapports humains et cherchent à transformer les sociétés pour les rendre conformes à cette vision. Ils n’hésitent pas à imposer l’ordre social et comportemental qu’Ils préconisent par l’élimination, parfois violente, d’autres formes de société.

La naissance et la mort sont des moments dans lesquels les Dieux s’immiscent particulièrement dans nos vies. Ils nous aident à conjurer nos peurs et nos angoisses. Ils nous dictent aussi notre comportement face à la vie à naître et à la mort  que l’on peut se donner. Ils sont moins prolixes sur la façon de donner la mort à autrui lorsqu’il s’agit de la défense de Leurs vérités.

Souvent dans l’histoire les Dieux ont  incité des femmes et des hommes, mais surtout des hommes, à commettre des actes inhumains, mais de tous temps ils ont aussi  encouragé les membres de Leur communauté à être généreux et à donner le meilleur d’eux-mêmes à Leur service et à celui de la collectivité. Plus rarement cependant ces injonctions à la générosité se sont étendues vers les communautés des adeptes de Leurs Collègues.

Bref un travail  éreintant qui mérite des vacances. Proposons leur donc  de se retirer quelques temps. Si ils   sont plusieurs facette d’une même entité Il fera des patiences, si par contre il y a effectivement plusieurs Dieux, leurs activités seront plus intéressantes (l’emploi du masculin ici et dans ce texte ne reflète que le fait que Dieu est, en français, un nom masculin. En aucun cas je ne me sens la compétence de me prononcer sur le genre de nos Dieux).

Les clergés sont les interfaces entre nos Dieux et nous. Les membres des clergés parlent au nom des Dieux (l’usage du masculin à propos des membres des clergés reflète autant le genre de "membre" en français que  le fait que les membres des clergés sont le plus souvent des hommes). Ceci donne aux clergés une apparence d’autorité qu’aucun autre acteur de la vie publique ne peut avoir. Les membres de ces clergés prennent leur rôle tellement au sérieux qu’il nous est parfois difficile de savoir quels messages sont effectivement d’origine Divine et lesquels résultent d’ajouts dus à leur zèle.

Les Dieux en vacances, cette interface deviendra beaucoup plus légère, laissant aux membres du clergé de grandes plages de temps libre. Il n’y aura pour un temps plus de messages, injonctions ou autres ordonnances Divines à interpréter, à transmettre et à faire respecter.

Les membres des clergés contribuent souvent pour beaucoup à l’harmonie de leur communauté. Même sans intervention Divine ce service pourra continuer d’être assuré, tant le bien-être collectif et individuel dépend plus du comportement de chacun dans la société que d’une quelconque conformité aux règles imposées par les Dieux et les clergés. Il est même permis d’imaginer que le temps gagné par l’absence des Dieux pendant leurs vacances pourra être en partie mis au profit de nos communautés par les différents clergés.

Il n’y aura plus non plus de messages divins guidant la politique que, parfois, les membres des hauts clergés conduisent. Il y a parmi les causes ainsi embrassées des conquêtes ou reconquêtes de territoires marqués par l’histoire des religions, mais aussi la construction de ponts entre des sociétés hostiles au départ ou une contribution à la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Il arrive que ces politiques soient efficacement mises en oeuvre par des prélats habiles. Ces hommes continueront certainement à mener leurs idéaux aussi puissamment que possible. Ce qui changera par contre, c’est le jugement que nous portons sur ces actions. Nous ne pourrons plus appuyer nos opinions sur des prescriptions Divines, mais utiliserons seulement et simplement les fruits portés par ces actions pour juger de leur pertinence.

Lorsque les Dieux ne prennent pas l'initiative de guerres, ils sont souvent pris à partie par les uns ou les autres des belligérants. Les clergés de chaque partie s’efforcent alors de démontrer que le Dieu le plus proche de leur partie exige de chacun les efforts et sacrifices nécessaires à la conduite des hostilités. Les Dieux en vacances, de telles exigences ne seront plus formulées. Ceci allégera encore la charge des membres des clergés et enlèvera autant de pression dans la conduite des opérations.

Les clergés ont une forte tendance à formaliser les croyances admises et à déclarer hérétiques celles qui ne suivent pas la ligne dominante. Non seulement les croyances sont érigées en dogme, mais encore les rites et us devant plaire ou au contraire mécontenter leur Dieu sont définis et délimités avec rigueur.  Un effort important est déployé pour s’assurer que  chacun croie ce qui doit l’être et suive les règles édictées.  Souvent  l’hérésie ou toute infraction à ces règles est sévèrement réprimée, jusqu’à infliger aux contrevenants une mort atroce. Ici encore, les vacances des Dieux déchargeront les membres des clergés de lourdes tâches.

Le clergé pourra utiliser tout le  temps ainsi libéré dans nombre d’activités. Certains pourraient étudier les lois de la physique et de la biologie, et s’émerveiller ainsi en toute connaissance de cause devant les beautés de la nature. Il ne leur sera alors plus possible de se faire les avocats d’inepties telles que le créationisme ou la théorie du dessein intelligent. En étudiant la marche de la vie, ils découvriront combien le début d’une vie humaine est difficile à définir et, donc, que ce ne sont ni règles ni dogmes qui permettent d’autoriser ou d’interdire une interruption de grossesse.  D’autres passeront du temps sur la mathématique, ils pourront alors, en étudiant la logique, comprendre comment la partie rationnelle de notre cerveau fonctionne.  Certains en observant notre planète, constateront l’influence des hommes sur notre environnement et concluront que le vieil adage Divin  “croissez et multipliez vous” ne peut plus nous être d’aucune utilité. D’autres encore se pencheront sur la maladie en général et les moyens d’enrayer les épidémies. Libres de pression Divine,  ils ne se permettront plus de priver ceux qui en ont le plus besoin de la protection d’un préservatif. Ceux d’entre eux plus portés sur les arts et la musique pourront enrichir notre quotidien de beauté dépourvue de messages plus ou moins cachés et de prosélytisme camouflé. Le sport pourrait aussi profiter de la disponibilité des membres du clergé. On pourrait imaginer un championnat de football au Vatican, enrichissant ainsi la ligue européenne. Enfin, les membres du clergé  libérés d’exigences Divine de célibat pourront s’adonner à des activités sexuelles sans impliquer de jeunes enfants, les mettant ainsi mieux en phase avec les moeurs de notre époque.

Les humains privés des messages divins et de l’autorité des clergés pendant les vacances des Dieux se sentiront peut-être un peu démunis les premiers temps.  L’action de chacun, individuelle, associative ou conduite par les états ne pourra être jugée et évaluée qu’avec des critères construits par rapports aux hommes, à leur progrès et bien-être. Ce qui est bien et bon devra se définir par rapport à notre connaissance de la nature, dont nous faisons partie, et de la société plutôt que sur des absolus Divins ou des messages cléricaux. Nos actions seront jugées sur les fruits qu’elles portent au sein de nos collectivités. Loin des  absolus divins, l’action politique, économique et sociale des communautés qui composent l’humanité se construira par pesée d’intérêts relatifs, équilibres de pouvoir et considérations géopolitiques. Ce seront  les acteurs humains qui définiront la scène, et non le pouvoir Divin.   


Nos moeurs devront être guidées par les nécessités de nos sociétés, les besoins de l’éducation, le plaisir partagé, le respect des femmes et des hommes plutôt que sur des préceptes Divins ou cléricaux. Les instituts d’éthique quitteront pour cette période les facultés de théologie de nos universités pour rejoindre les facultés de sciences humaines. Notre alimentation s’adaptera aux conditions locales et à nos besoins. Notre habillement, nos coiffures et nos couvre-chefs permettront à chacun d’exprimer sa personne et ne pourront plus servir d’étendard de reconnaissance religieuse. Nos corps ne pourront plus être le terrain sur lequel les Dieux et les clergés se livrent à des opérations et des jeux de pouvoir parfois débilitants.

Ainsi les vacances des Dieux donneront des loisirs aux membres des clergés et diminueront la pression sur nos sociétés. Ces vacances exigeront par contre  un effort supplémentaire aux laïques, leur demandant de définir leur mode de vie en réfléchissant eux-mêmes à partir de leur connaissance des hommes, de la nature et de la société. Une partie de ce travail est déjà fait, il a donné naissance, entre autre, à la déclaration universelle des droits humains <a href="http://www.un.org/fr/documents/udhr/" target="_blank"> (déclaration)</a>.   La qualité de ce texte ne peut que nous donner confiance dans notre capacité à assurer l’intérim pendant les vacances des Dieux.