Ce texte vient en réponse à quelques questions à propos de matière noire suscitées par l'expression "trous noirs".
D’où vient l’idée de matière noire
Thierry J.-L. Courvoisier
Mai 2019
Le Soleil est une des quelques 100 milliards d’étoiles qui constituent notre galaxie, la Voie Lactée. Nous connaissons du Soleil la masse et la quantité de lumière qu’il émet, entre beaucoup d’autres paramètres.
Une galaxie est un ensemble de quelques centaines de milliards d’étoiles. Une galaxie a une géométrie qui s’apparente à un disque plus ou moins épais. Comme nous sommes dans une galaxie, la Voie Lactée, nous sommes dans le plan du disque et elle nous apparaît comme une bande plus lumineuse dans le ciel nocturne. Vue de l’extérieur une galaxie comme la Voie Lactée ressemble à un disque muni d’une structure spirale.
La Voie Lactée, notre Galaxie, vue du Mont Paranal, site des grands télescopes de l’ESO.
Vue de l’extérieur notre Galaxie ressemblerait à celle-ci (NGC6902, ESO)
Un amas de galaxies est un ensemble de plusieurs centaines de galaxies. Il est possible partant de la masse et de la lumière émise par les étoiles, comme nous les connaissons pour le Soleil, et en mesurant la lumière émise par l’ensemble des galaxies d’estimer la masse d’un amas de galaxies. Sa taille se déduit de l’image de l’amas sur le ciel.
Un amas de galaxies (Abell 2744) tel qu’observé par le télescope spatial Hubble. Chaque tache lumineuse est une galaxie de quelques centaines de milliards d’étoiles.
Les galaxies d’un amas sont restées groupées depuis leur formation il y a une dizaine de milliards d’années. Ceci implique que les vitesses des galaxies les unes par rapport aux autres sont suffisamment petites pour que l’amas ne s’évapore pas au fil du temps. Cette condition dépend de la masse totale de l’amas et de sa taille. Comme la vitesse de la Lune, qui ne quitte pas la proximité de la Terre, est donnée par la masse de la Terre et la distance Terre-Lune. De manière similaire, la Terre ne s’éloigne pas du Soleil car sa vitesse n’excède pas une limite donnée par la masse du Soleil et sa distance.
Dans les années 1930 Fritz Zwicky, un astronome appenzellois travaillant en Californie, a mesuré les vitesses des galaxies individuelles dans un amas de galaxies. Il a ensuite comparé les vitesses obtenues avec celles que l’on attend pour que l’amas garde son identité. Pour ce faire Zwicky a compté les galaxies, mesuré la quantité de lumière qu’elles émettent et, connaissant la masse et la lumière émise par les étoiles, il a estimé la masse de l’amas. Il a alors constaté que la masse ainsi déduite est trop petite pour retenir les galaxies. D’après cet ensemble de mesures et de constatations, l’amas aurait dû s’être évaporé depuis longtemps. D’autres astronomes sont arrivés à des conclusions similaires sur d’autres amas de galaxie. Il s’agit bien d’une généralité et non d’un cas isolé.
Deux conclusions sont alors possibles. Soit la théorie utilisée pour mettre en relation les masses et les vitesses, la gravitation telle que décrite par Newton (les corrections de la relativité sont trop petites pour jouer un rôle) est erronée, soit il existe de la matière qui n’est pas détectée. Les succès de la physique de Newton sont tels qu’il semble peu raisonnable de miser sur sa révision pour résoudre les questions soulevées par les observations de Zwicky et de bien d’autres depuis.
Au fil des dernières décennies on a bien découvert que les amas de galaxies ne contiennent pas que des galaxies, mais aussi une grande quantité de gaz. Cependant même en tenant compte de ce gaz la masse des amas est beaucoup trop petite pour empêcher leur évaporation rapide selon la mécanique de Newton. Il manque encore une grande quantité de matière pour comprendre l’existence actuelle des amas de galaxies. Cette matière n’a jamais été détectée. Il semble qu’elle n’émette aucune lumière. Elle est donc appelée matière noire ou matière sombre.
Les mesures récentes montrent qu’il y a 5 fois plus de matière noire que de matière lumineuse.